– Fermeture définitive –
Les sorcières n’ont pas toujours eu bonne réputation, et même la définition qu’en donne le Larousse (dans les contes de fées, femme en général laide, qui possède des dons surnaturels, qu’elle utilise pour faire le mal) n’a non seulement rien de rassurant mais est en plus particulièrement réductrice. Alors quelle idée a bien pu passer par la tête de Judith pour avoir envie de créer à Montmartre une école des sorcières de lumière ?
Judith, beaucoup de montmartrois la connaissent bien, d’abord parce qu’elle est née dans le quartier, ensuite parce qu’elle a ouvert en 2013 avec sa sœur Sarah le fameux Atelier Nota rue Ramey, repère de tous les collectionneurs de carnets et autres amateurs de jolie papèterie. La belle aventure a pris fin en avril 2019, mais pour Judith, c’était un déchirement de quitter ce lieu qu’elle affectionne tant. Restait à savoir ce qu’il pourrait devenir…
C’est alors que la personnalité un peu hors-norme de notre sorcière montmartroise rentre en jeu : « je me suis toujours sentie un peu différente, mais la singularité n’est pas admissible dans notre société. Pour autant, j’étais convaincue que j’étais là pour quelque chose, sinon tout ça ne servait à rien ». Après le bac, elle démarre des études de médecine, qui ne correspondent pas du tout à ce qu’elle en attendait : « trop de compétition, trop de décalage, trop de séparation entre le corps et l’esprit, bref j’ai tout arrêté au bout d’un an ». Et puis elle fait son chemin, crée son entreprise de communication, mais surtout s’investit dans de nombreux projets sociétaux autour de l’égalité des chances et de la prise de conscience de notre responsabilité universelle. Un chemin qui ne va pas sans une nécessaire et profonde connaissance de soi.
Il aura fallu deux retraites pour que Judith « accouche » d’un projet certainement en maturation depuis des années tant il s’est imposé comme une évidence « j’ai littéralement VU le lieu, j’étais dans la non-réflexion, c’était naturel, fluide, j’allais créer une école de sorcières de lumière ». Ok, mais c’est quoi exactement une sorcière de lumière ?
Pour comprendre, il faut envisager les sorcières d’un point de vue anthropologique : « les sorcières étaient les guérisseuses du peuple, elles avaient une connaissance du vivant incroyable, source de liberté et d’apprentissage, mais jouaient également un rôle politique important dans le sens où elles pouvaient contrôler les naissances et donc la démographie. » Ce qui expliquerait, entre autre, qu’elles aient été tant décriées et pourchassées. Si l’on en revient à notre époque, pour Judith, nous avons toutes (et tous !) une sorcière qui sommeille en nous, puisque plus qu’un personnage, il s’agit surtout d’un endroit de puissance, d’un élan vital que chacun possède à l’intérieur de soi.
Encore faut-il pouvoir le révéler ! Et pour cela, il n’y a pas une seule manière, bien au contraire : « il n’y a pas de mode d’emploi pour prendre soin de soi et des autres et se découvrir soi-même. Mon idée, c’est de mettre à disposition des portes et de proposer à chacun de les ouvrir ». Et ça marche ! Mùn (qui signifie lune en japonais) attire depuis un peu plus d’un an toutes celles et ceux qui souhaitent simplement prendre le temps de s’écouter, de se reconnecter à leur vie intérieure. « Je voulais un lieu pour recréer du lien, un lieu de vérité, où la superficialité et les faux-semblants n’ont pas leur place. » Avec beaucoup d’humour, Judith nous confie d’ailleurs ne pas avoir choisi la facilité : « si j’avais voulu faire du fric, j’aurais vendu des couronnes de fleurs et des potions magiques ! Ici, on est juste dans la bienveillance, l’écoute, on prend le temps de comprendre, et de proposer des pistes… » Et elles sont nombreuses.
Mùn est ainsi un vrai lieu de vie où l’on peut juste se poser, réfléchir, mais également participer aux nombreux stages et ateliers proposés tout au long de l’année autour de trois thématiques majeures : la guérison, la protection du vivant et l’amour universel. Mùn, c’est aussi un lieu de consultations et de soins individuels, tant physiques que spirituels, mais également une boutique qui propose, non pas des couronnes de fleurs et encore moins des balais magiques, mais tout ce qui peut simplement contribuer au bien-être au naturel : tisanes, huiles essentielles, cosmétiques ou encore sels aromatiques. Sans oublier le coin salon où l’on peut s’installer et consulter les nombreux ouvrages mis à disposition.
Mùn, c’est un lieu où l’on entre par curiosité, et où l’on voit ce qui se passe : « d’ailleurs, le fait d’avoir pignon sur rue, c’est comme une autorisation officielle pour dire l’on n’est pas obligé de se planquer pour prendre soin de soi. » Et où l’on peut également assumer de se retrouver entre femmes, notamment autour de cercles de parole, même si depuis le début, le lieu attire naturellement autant de femmes que d’hommes : « tout comme je suis contre les dogmes, c’était primordial pour moi qu’il n’y ait pas d’opposition entre les hommes et les femmes » ; une position qui va dans le sens de son engagement féministe et de son combat pour l’égalité.
Car Judith reste profondément militante, certaine que nous avons toutes et tous notre rôle à jouer dans la société. Elle travaille d’ailleurs actuellement au lancement d’une plateforme digitale de l’écovitalité, qui consiste à « placer le vivant au cœur du processus de convergence des dynamiques égalitaires, écologistes et environnementales » en réponse aux nouveaux enjeux économiques et sociétaux.
Militante et surtout profondément ancrée dans la vie réelle, Judith ne ressemble ni aux vilaines sorcières de contes de fées ni à une illuminée qui vivrait dans la forêt et ne se nourrirait que de plantes, et à la question de savoir si elle a des rituels, elle répond volontiers que oui, le soir quand elle rentre chez elle, elle boit de la bière et fume des clopes ! « La réalité, c’est ce que tu fais et ce que tu es au quotidien. La quête de la connaissance de soi ne s’arrête jamais, c’est ça qui est passionnant. » ; nous voilà rassuré.e.s et surtout convaincu.e.s.