S’il est un bistrot parisien qui peut se vanter d’être connu dans le monde entier, c’est bien le Café des Deux Moulins. Ce lieu mythique de la rue Lepic, rendu célèbre malgré lui par Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, reste cependant un véritable café de quartier, fréquenté autant par les montmartrois que par les touristes. Et c’est aussi ce mélange des genres qui fait tout son charme.
Situé à mi-chemin entre le Moulin Rouge et le Moulin de la Galette, le café, qui ne porterait ce nom que depuis 1918, existait déjà au début du siècle. Propriété d’une même famille depuis trois générations, il a été racheté par Marc Fougedoire en 2003, peu de temps après la sortie du film. Pourtant, ce n’est pas du tout ce qui l’a décidé à reprendre le lieu : “j’avais découvert ce café lors de mes balades dominicales en revenant des Puces de Saint-Ouen, et je m’y arrêtais souvent. J’adorerais la déco années 50 et l’ambiance.” Déjà propriétaire d’un bar à Saint-Germain des Prés, Marc apprend qu’une affaire est à vendre rue Lepic, et ce n’est qu’en arrivant sur place qu’il découvre qu’il s’agit de “son” café fétiche, devenu aussi entre temps celui d’Amélie Poulain. “L’ancien propriétaire avait atteint l’âge de la retraite et voulait voyager. Ironie du sort, après le succès du film, le monde entier avait commencé à venir à lui. Il a mis un peu plus de temps que prévu à vendre”.
Marc avoue qu’à l’époque, il ne réalisait pas la responsabilité que représentait le fait d’être propriétaire d’un endroit comme celui-là. S’il ne souhaitait quoi qu’il arrive rien changer, c’était en plus devenu un morceau de patrimoine. La seule transformation notable a été la suppression du tabac, mais pour le reste, tout est resté dans son jus, depuis le grand bar en zinc, le carrelage au sol et les banquettes en skaï rouge ; le même décor que celui qui avait déjà séduit Jean-Pierre Jeunet pour son film.
Dès les premières heures de la journée, le Café des Deux Moulins s’anime. Les habitués viennent y boire leur café et se raconter les dernières nouvelles du quartier, ou les mêmes se retrouvent le soir en mode afterwork. En journée et le week-end, ce sont plutôt les touristes qui viennent découvrir le “café d’Amélie”, mais ils sont accueillis comme n’importe quel voisin. A la carte, on retrouve des plats traditionnels (oeuf mayo, escargots, tartare de boeuf, confit de canard, croque monsieur, salade César), à des prix conformes voire inférieurs à ceux du quartier ; sans oublier bien sûr la fameuse crème brulée d’Amélie. Du jeudi au samedi, un orchestre vient s’ajouter à l’ambiance déjà animée du café.
Bien loin d’être un attrape-touristes, le Café des Deux Moulins est resté ce qu’il a toujours été : un lieu de vie, pas seulement un décor. On y vient pour passer un moment, discuter, observer, et en dépit de sa célébrité, le lieu continue de cultiver l’esprit montmartrois, populaire, sincère et chaleureux que l’on apprécie tant.