Si peut-être le nom de Mouloudji ne vous dit rien, il est pourtant celui de l’interprète d’une chanson que les moins de 20 ans ne peuvent que connaître ! Entendue dans une pub culte en 2017, puis reprise par Bon Entendeur la même année, L’amour, l’amour, l’amour cumule aujourd’hui plus de 100 millions de streams toutes plateformes confondues. Les montmartrois, quant à eux, ont d’autant plus de raisons de le connaître qu’il fait partie de ceux que le quartier a largement inspiré et qu’il a longtemps fréquenté. Tandis que son fils, Grégory, s’apprête à monter sur la scène du Théâtre Montmartre Galabru pour interpréter les chansons de son père, on vous emmène sur les pas de Mouloudji à Montmartre.
Né à Paris en 1922, le jeune Marcel grandit du côté de Belleville. Issu d’une famille très modeste, il chante souvent dans la rue avec son frère pour gagner trois sous. C’est précisément rue de la Grange aux Belles qu’en 1935, il est repéré par le comédien Sylvian Itkine qui l’envoie au Théâtre de l’Atelier pour travailler avec Jean-Louis Barrault. C’est la première trace que l’on retrouve de Mouloudji sur la Butte. Membre du groupe Octobre, et malgré son très jeune âge, il devient ami avec un grand nombre de surréalistes et d’intellectuels, parmi lesquels Sartre, Beauvoir et surtout Prévert. D’abord comédien (il tournera dans de nombreux films avant-guerre), il fréquente assidûment les clubs de Saint-Germain des Prés, où il commence également à chanter.
Mais c’est bel et bien à Montmartre qu’il se fera un nom dans le monde de la chanson. On sait ainsi qu’au début des années 50, il se produisait régulièrement au Pichet du Tertre, au Lapin Agile, au Tire-Bouchon (où il rencontrera Bernard Dimey et Francis Lai), et Chez Ma Cousine ; un cabaret dont il parle d’ailleurs dans Le temps de la débine : “Je montais à Montmartre au temps de la débine, j’allais cachetonner là-haut chez Ma Cousine”. C’est également à cette époque qu’il est repéré par Jacques Canetti, patron des Trois Baudets, qui lui fait enregistrer en 1953 son premier grand succès, Comme un p’tit coquelicot, et l’invite à se produire dans la salle du boulevard de Clichy.
S’il semble avoir eu une adresse rue Caulaincourt, on sait en revanche de façon certaine qu’il vécut plusieurs années au pied de la Butte, Cité Chaptal puis rue Milton. Très ami avec Marcel Aymé, ils se retrouvaient souvent pour manger Au Rêve ; son fils nous raconte que l’un comme l’autre n’ayant pas beaucoup de conversation, “ils se voyaient pour manger parce qu’ils s’aimaient beaucoup, mais ne se parlaient pas ou vraiment très peu”. Il est également très probable qu’il ait été souvent invité Cité Véron chez son autre ami Jacques Prévert, ainsi que chez le voisin de ce dernier Boris Vian, auteur du Déserteur, que le chanteur créera en 1954.
Montmartre aura largement inspiré Mouloudji, évoquant le quartier dans plusieurs de ses chansons, parmi lesquelles l’Adagio du Pont Caulaincourt, Oiseau des îles sur ma tête (Ma reine de Place Clichy, Cléopâtre de Caulaincourt serais-tu mon dernier amour…) ou encore Chanson pour Marcel (De tous les cimetières celui qu’ j’ai aimé, Celui où j’ voudrais vivre un peu ma mort, C’est celui où demeure Marcel Aymé, Qui fait l’ grand dodo près d’ l’avenue Junot). N’oublions pas également qu’en 1955, sa reprise de La Complainte de la Butte, extrait du film Moulin Rouge de Jean Renoir, figurera parmi les plus marquantes, contribuant à faire de ce titre un standard de la chanson française. On lui doit aussi un enregistrement de la chanson d’Aristide Bruant, A Montmartre, ainsi qu’un album de chansons de son grand ami Bernard Dimey et d’autres de Jacques Prévert.
C’est aujourd’hui à son fils Grégory de repartir sur les pas de son père à Montmartre, d’abord à l’occasion d’une nocturne exceptionnelle au Musée de Montmartre mardi 4 février, durant laquelle il proposera un tour de chant autour de l’œuvre écrite de Jacques Prévert, puis tous les jeudis du 13 février au 6 mars au Théâtre Montmartre Galabru pour un récital de chansons du répertoire de Mouloudji ; l’occasion de découvrir ou redécouvrir l’oeuvre d’un homme “amoureux de l’amour”, mais aussi amoureux de Montmartre.
*Photos extraites du film Mouloudji se promenant à Montmartre (archives INA)
**Merci à Grégory Mouloudji de nous avoir raconté les souvenirs de son père à Montmartre
▶︎ Grégory chante Mouloudji – Du 13 février au 6 mars au Théâtre Montmartre Galabru