En septembre 2021, le Nouvel Atelier Barbier ouvrait ses portes à quelques encablures de la Place de Clichy. Nouvel atelier car en réalité, celui-ci existait déjà, mais Camille y fabriquait jusqu’alors des meubles. Elle a depuis troqué le bois et les outils contre le papier et les crayons pour y donner des cours de dessin ; rien d’étonnant quand on découvre le parcours de cette montmartroise pur jus.
Certaines personnes ont ce qu’on appelle la vocation. C’est le cas de Camille Barbier qui, à l’âge de 3 ans, a découvert la sienne en dessinant une girafe presque aussi grande qu’elle et pleine de couleurs. Ses parents ont tout de suite compris qu’elle avait « le truc », et n’ont donc pas hésité à l’inscrire à des cours de dessin, d’abord à l’atelier qui se trouvait à l’angle de la rue Durantin et de la rue Burq, puis au Musée en Herbe à la Halle Saint-Pierre.
A l’âge de 10 ans, Camille pense qu’elle veut être styliste, un souhait qu’elle confirme en effectuant son stage de 3e aux côtés d’Hubert de Givenchy. Assez logiquement, elle passe un Bac Arts Plastiques, puis rentre finalement à l’Ecole d’Arts Appliqués de la rue Olivier de Serres, où elle rencontre enfin des gens « comme elle ». Elle y obtient un DMA mosaïque-fresque, puis tente les Arts Déco, avant de retourner à Olivier de Serres pour en ressortir avec un DSAA de design d’espace en poche.
Mais il faut croire que son quartier lui manquait trop, puisque non seulement elle décroche son diplôme de fin d’études grâce à un travail sur le réaménagement du boulevard de Clichy, mais refuse en plus une proposition d’embauche chez un paysagiste pour intégrer la FEMIS rue Francoeur et y étudier les décors. Si elle s’aperçoit assez vite qu’elle n’est pas faite pour le milieu du cinéma, elle passe néanmoins le plus clair de son temps dans l’atelier de menuiserie de l’école, où elle commence à dessiner des meubles. Au fil du temps, elle reçoit de plus en plus de demandes de meubles sur-mesure qu’elle dessine puis fabrique. Elle finit alors par prendre un atelier à Noisy-le-Sec, et lorsque son bail arrive à son terme, elle souhaite naturellement se rapprocher de Montmartre où elle vit toujours, et trouve un local rue Hégésippe Moreau, qu’elle occupe encore aujourd’hui.
C’était il y a dix ans, mais si l’idée d’ouvrir un atelier de dessin lui trottait dans la tête depuis un moment déjà, il aura fallu attendre que son corps finisse par parler pour qu’elle se décide enfin à reprendre le crayon : « je passais presque autant de temps chez le kiné que dans mon atelier. Je fabriquais plutôt des gros meubles, c’était devenu trop physique. Et puis j’avais la sensation de déménager tout le temps, j’avais besoin de me poser ». C’est ainsi qu’en créant le Nouvel Atelier Barbier, elle est enfin revenue à ses premières amours : le dessin.
Camille part du principe que les gens qui ne savent pas dessiner, ça n’existe pas. Pour elle, tout est une question de regard, et il faut d’abord apprendre à bien voir les choses pour pouvoir les retranscrire. C’est pourquoi elle laisse d’abord ses élèves choisir leur technique avant de les corriger, parce que chacun a son style et que personne ne dessine pareil. Son but : faire en sorte que les gens soient satisfaits de leurs dessins, et surtout qu’ils se fassent plaisir. C’est pourquoi elle n’impose aucun outil, et que chacun est libre de travailler au feutre, au crayon, au fusain ou à la peinture.
C’est un peu différent pour les enfants, qui ont besoin d’être plus cadrés, mais pour le reste, chacun fait comme il l’entend, et surtout, dessine d’après un modèle vivant ou une nature morte, mais jamais (ou très rarement) d’après une photo ou un dessin « parce qu’une photo, c’est déjà de la 2D, donc le travail est déjà à moitié fait, alors que ce que l’on demande au dessinateur, c’est justement de passer de la 3D à la 2D. » Pour Camille, à partir du moment où l’on sait dessiner un corps, on peut presque tout dessiner.
Elle propose ainsi des cours de modèles nus ou de nature morte pour les adultes et pourquoi pas de proposer des balades dessinées. Elle donne également des cours pour les enfants après l’école et le mercredi, et organise des stages d’arts plastiques durant les vacances scolaires.
« Je ne me considère pas comme artiste à part entière ! J’ai toujours été un peu mal à l’aise avec le syndrome de l’artiste maudit ou du prof qui enseignerait parce qu’il n’arrive pas à vendre ses toiles. Il y a trop de moi dans mes dessins, et j’ai longtemps pensé que je vivrais mal le fait qu’ils ne plaisent pas. Alors, même je les garde souvent pour moi, j’assume de plus en plus leur valeur ! Mais j’enseigne avant tout parce que j’aime ça ». Mais les choses changent et Camille se dévoile petit à petit : elle ouvre d’ailleurs un atelier à l’occasion de la nouvelle édition d’Anvers aux Abbesses (en novembre 2024) où l’on pourra admirer ses dessins (kakémonos bretons, normands et parisiens).
Si on n’est pas certains d’être capables un jour de dessiner aussi bien qu’elle, sa gentillesse et sa bienveillance pourraient bien nous donner envie au moins d’essayer.