Parmi les artistes ayant vécu ou travaillé à Montmartre, on cite souvent Renoir, Toulouse-Lautrec, Picasso, Valadon ou Utrillo, mais peut-être un peu moins Bernard Buffet. Pourtant, son histoire, tant artistique que personnelle, est étroitement liée à notre quartier. Alors que la Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris présente au même moment une rétrospective de l’œuvre de Buffet, le Musée de Montmartre a choisi de s’intéresser à l’intimité de l’artiste, et aux attaches qui le relient à la Butte. Avec l’aide de son fils Nicolas, et sous le commissariat de Yann le Pichon, auteur d’une monographie de Bernard Buffet, l’exposition Intimement propose un parcours passionnant qui permet de découvrir ou redécouvrir le talent oh combien immense de l’un des peintres les plus célèbres du 20e siècle, au travers d’œuvres issues de collections publiques et privées, parmi lesquelles celle de Nicolas, ainsi que nombre d’objets lui ayant appartenu.
Bernard Buffet naît Place Pigalle en 1928, et grandit aux Batignolles. Bien qu’ayant possédé par la suite plusieurs propriétés dans le sud de la France, puis en Bretagne ou encore en Normandie, le peintre entretient une relation toute particulière avec Paris, où il aime venir se ressourcer. En 1989, il acquiert la maison du 20 rue Cortot, voisine de l’actuel Musée de Montmartre, et ce n’est certainement pas un hasard. Fasciné depuis toujours par la maison du 12, son fils Nicolas se souvient « de ce regard qui concentrait toute son énergie sur une demeure de la rue Cortot (…) cette maison qui avait quelque chose de tout à fait extraordinaire car elle avait appartenu à Suzanne Valadon qui y avait vécu et travaillé aux côtés de son fils Maurice Utrillo », pour qui Buffet nourrissait une admiration profonde.
Les rues de Montmartre, ils les arpente durant dix ans pour se rendre à l’atelier de gravure Lacourière et Frélaut, « temple de la gravure » situé rue Foyatier, et il réalise plusieurs toiles du quartier que l’on peut actuellement admirer au Musée, comme La Maison Rose (1989), La Place Pigalle (1989), Le Moulin De La Galette (1998) ou encore l’extraordinaire Sacré-Cœur de Montmartre, gravure à la pointe sèche réalisée en 1993. Mais Buffet n’aura pas attendu de revenir à Montmartre pour le peindre, comme le montre cette autre gravure datant elle de 1968, L’Église Saint-Pierre de Montmartre.
Une église Saint-Pierre où il allait régulièrement brûler un cierge avant de se rendre à l’atelier de la rue Foyatier ; on découvre en effet en parcourant l’exposition à quel point Buffet était religieux et mystique, notamment grâce à la section consacrée à la passion du Christ au côté de sa mère. On comprend surtout à quel point l’homme était complexe, « peintre avant d’être un homme » selon son propre fils, portant autant de violence que de douceur en lui. Quand certains critiques de l’époque lui reprochaient de ne pas se renouveler, on comprend à quel point ils avaient tort en s’attardant dans la section Promenades du solitaire, où se côtoient des toiles aussi différentes et exceptionnelles que La Place des Vosges (1956), Village sous la neige (1975) ou l’extraordinaire Usine à gaz (1958) dont Nicolas Buffet pense pouvoir affirmer qu’elle décrit parfaitement l’univers de Barjavel, avec qui son père était très ami, et qui, il faut le reconnaître, est d’une incroyable force et modernité.
C’est bien tout l’univers intime du peintre qu’explore l’exposition, de sa fascination pour les clowns à son amour éperdu pour son épouse et muse Annabel, en passant par ses relations fusionnelles avec le théâtre ou la littérature (sublimes illustrations des Chants de Maldoror de Lautréamont) ou encore son bestiaire amoureux.
Saluons également la scénographie, qui sublime les œuvres exposées, comme ces flamboyants murs rouges, l’agencement de la section Promenades du Solitaire, les panneaux dévoilant des photos personnelles ou encore L’Escalier, qui ne pouvait trouver plus bel écrin que celui du Musée.
Bernard Buffet disait « on ne peut pas être peintre sans savoir dessiner ». C’est une grande leçon d’art figuratif que nous offre cette exposition, mais également d’intelligence, d’humanité et de modernité dont certains ressortiront certainement un peu chamboulés. Bref, Bernard Buffet, Intimement est une sublime exposition qui signe un tournant dans l’évolution du Musée de Montmartre, à ne manquer sous aucun prétexte !
Bernard Buffet, Intimement
Du 18 octobre 2016 au 5 mars 2017
Musée de Montmartre, 12 rue Cortot