On connaît pas mal de galeries d’art à Montmartre, mais saviez-vous qu’on y trouvait également une galerie dédiée au bijou contemporain ? Au 9 rue Ramey, Amira Sliman vous accueille ainsi à la Galerie Wengé, un lieu qui lui sert à la fois d’atelier mais aussi de lieu d’exposition et de vente pour ses propres bijoux, ainsi que ceux d’autres créateurs.
Amira est une enfant du monde. Née en Allemagne d’un papa tunisien et d’une maman allemande, elle passe toute son enfance puis son adolescence en Tunisie, où elle obtient, après un bac scientifique, une maîtrise en design industriel aux Beaux-Arts de Tunis. Elle retourne quelques mois en Allemagne, où elle effectue différents stages en bijouterie, puis décide de venir en France où elle obtient son diplôme de créateur-fabricant dispensé par l’AFEDAP, école parisienne formant aux métiers de la bijouterie et de la joaillerie, ainsi qu’un C.A.P. de métaux précieux. Ce diplôme, c’était aussi la condition imposée par son papa pour exercer ce métier, mais surtout pour rester en France, où elle choisit de s’installer par amour…
Au début des années 2000, elle rencontre Pierre Jouin, créateur de bijoux lui aussi, avec qui elle s’associe. Pierre travaille chez lui au 15 rue Ramey, mais très vite, l’espace devient trop exigu pour accueillir leur travail en commun, et ils se mettent à la recherche d’un local. L’ancienne brocante du 9 est une véritable aubaine, et au début de l’été 2003, les deux associés débutent de gros travaux pour transformer l’espace en un lieu de travail mais aussi d’exposition. Fin 2003, la Galerie Wengé ouvre ses portes, et le mot galerie prend vite tout son sens puisqu’en plus des bijoux, Amira accueille depuis le début d’autres formes de créations comme la céramique, la photo ou encore la peinture.
Pierre Jouin prend officiellement sa retraite en 2009, et décède cinq ans plus tard. Amira se retrouve alors seule à bord du navire, ce qui l’oblige à entreprendre un travail sur elle-même et à s’assumer véritablement en tant qu’artiste. Car notre créatrice est une grande timide, s’excusant presque de montrer son travail. Quel dommage quand on connaît son talent ! Celle qui se cachait sous l’entité Galerie Wengé (du nom du bois exotique, symbole de la matière au sens large qu’elle aime travailler) se reconnaît aujourd’hui comme une créatrice à part entière. Elle participe ainsi activement à de nombreuses manifestations sous l’égide des Ateliers d’Art de France, comme la Paris Design Week, le parcours Bijou ou encore les journées Européennes des Métiers d’Art.
Son travail se caractérise par la maîtrise de la matière sous toutes ses formes, qu’il s’agisse de l’argent ou de l’or qu’elle associe à la pierre, mais également au bois ou aux plumes, l’une de ses spécialités. Elle a d’ailleurs été l’une des premières créatrices à proposer des bijoux avec des plumes il y a presque une quinzaine d’années. Tous les bijoux sont fabriqués sur place (sauf la fonte des pièces), et une visite dans son atelier au sous-sol revient à visiter une vraie caverne d’Ali-Baba, entre matières brutes (elle a récemment ramené du bois de Tunisie pour en faire des bijoux) et pierres semi-précieuses qu’elle achète bien souvent lors de bourses aux minéraux ; des pierres qu’elle adapte en fonction des bijoux, contrairement aux bijoutiers traditionnels qui travaillent avec des pierres déjà taillées. Amira fabrique uniquement des petites séries ou des pièces uniques, parce qu’elle conçoit ses bijoux comme faisant partie intégrante d’une personnalité.
En plus de ses propres créations, Amira accueille une dizaine d’autres créateurs venus de France mais aussi d’Italie ou de Belgique entre autres. Amira a des projets plein la tête, et de plus en plus envie de faire connaître son travail. C’est pourquoi elle envisage aussi d’ouvrir son atelier, pour former les amateurs à la création de bijoux contemporains. Quoi qu’il en soit, et aussi discrète soit-elle, ses créations parlent pour elle, et on reste admiratif devant tant de beauté et de talent.