Deuxième monument religieux le plus visité de la capitale avec plus de 11 millions de visiteurs en 2019, le Sacré-Cœur de Montmartre s’impose sans conteste comme l’un des lieux emblématiques du patrimoine parisien. Un monument certes, mais pas historique, car aussi étonnant cela puisse paraître, la Basilique n’a jamais été officiellement inscrite aux monuments historiques. C’est désormais chose faite depuis le 21 octobre dernier, en attendant son classement au premier semestre 2021. Mais pourquoi aura-t-il fallu attendre aussi longtemps ?
La Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre est certainement l’un des monuments parisiens qui aura fait couler le plus d’encre depuis la fin du XIXe siècle. Ceux qui considèrent que la Basilique a été construite pour « expier les crimes de la Commune » sont encore nombreux, et la polémique n’a jamais cessé depuis l’officialisation en 1873 du Vœu National et le vote par l’Assemblée Nationale du projet de construction de l’édifice au somment de la Butte Montmartre. En réalité, le vœu prononcé en 1870 par deux notables parisiens, Alexandre Legentil et Hubert Rohault de Fleury, proposait d’édifier un sanctuaire dédié au Sacré-Cœur de Jésus en signe de pénitence, de confiance, d’espérance et de foi suite à la défaite militaire de la France face à la Prusse. Il n’empêche que selon le ministère de la culture, cette « mauvaise lecture de l’histoire » et le fait que Montmartre ait bel et bien été le théâtre de la répression sanglante contre les Communards en mai 1871 a sans doute en partie contribué à ce que le Sacré-Cœur ne soit jamais classé. Près d’un siècle et demi plus tard, cette classification, qui concerne l’édifice mais également ses abords, dont le Square Louise Michel, revêt une signification hautement symbolique en réconciliant le lieu de culte et l’histoire de la révolte du peuple de Paris.
Mais ce n’est pas tout, car le style architectural de la Basilique a lui aussi longtemps fait débat. D’inspiration romano-byzantine, le projet de l’architecte Paul Abadie marque en effet le déclin du style néo-gothique cher à Viollet-Le-Duc et a fait l’objet de nombreuses critiques. Longtemps décriée, cette période architecturale commence à être enfin reconnue, et le classement de la Basilique du Sacré-Cœur témoigne aujourd’hui de cette volonté de la part des autorités compétentes.
Selon la définition du Ministère de la Culture, « un monument historique est un immeuble ou un objet mobilier recevant un statut juridique particulier destiné à le protéger, du fait de son intérêt historique, artistique, architectural mais aussi technique ou scientifique ». Proposée par la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) d’Ile-de-France, l’inscription du Sacré-Cœur de Montmartre aux monuments historiques lui donne désormais la possibilité de recevoir jusqu’à 40 % de subventions de l’Etat pour ses travaux de conservation et de rénovation. Son classement, soutenu explicitement par la ministre de la Culture Roseline Bachelot, permettra à la Basilique de bénéficier de subventions sans limites de pourcentages.
Une bonne nouvelle pour notre quartier, en attendant on l’espère le classement prochain du village de Montmartre au patrimoine immatériel de l’Unesco.