Cher Michou,
On vous demande pardon. Pardon de ne jamais avoir parlé de vous sur Montmartre Addict. Peut-être parce qu’on vous croyait immortel, ou parce que vous faisiez tellement partie de notre quotidien, un peu comme un membre de la famille. Et à en juger par le nombre impressionnant de réactions provoquées par l’annonce de votre disparition dimanche dernier, nous avions certainement raison.
Nous avons cependant eu tort de ne jamais avoir consacré d’article à votre cabaret, ni même d’y être jamais allé. Ce n’est pourtant pas faute d’en avoir eu envie, mais voilà, c’est comme pour le reste, on se dit qu’on a le temps, et puis un jour, c’est trop tard…
Alors on ne va pas parler aujourd’hui de ce qu’on ne connaissait pas, si ce n’est rappeler qu’au 80 de la rue des Martyrs, vous aviez créé en 1956 un cabaret mythique où, depuis plus de 60 ans, le tout-Paris se bousculait ; le tout-Paris certes, mais aussi nos papis et mamies montmartroise.s que vous invitiez régulièrement à déjeuner. Chez Michou a été l’un des premiers cabarets à proposer des spectacles transformistes, et vous avez, bien avant l’heure, contribué à défendre la cause homosexuelle. Pour vous, la vie, et la nuit, étaient une fête permanente, et à moins de vivre totalement reclus, tous les montmartrois vous ont au moins croisé une fois dans le quartier, que ce soit à la terrasse de La Mascotte, au Petit Café de Montmartre, Place du Tertre, ou encore rue des Martyrs, où vous avez inlassablement accueilli les spectateurs venus assister au spectacle.
On ne vous connaissait pas non plus personnellement, mais comme beaucoup de montmartrois, on avait eu l’occasion d’échanger quelques mots. On se souvient de ce jour de canicule l’été dernier où vous attendiez votre chauffeur devant chez vous, quand Margaux vous avait demandé si vous vouliez un verre d’eau et que vous lui aviez répondu « c’est très gentil mademoiselle, mais j’ai quelques bouteilles de champagne au frais qui m’attendent chez moi ! ». On se souvient surtout de cet incroyable coup de fil reçu il y a quelques années, alors que Karine vous avait laissé un message au cabaret pour savoir si vous accepteriez de participer au tournage du clip « Happy From Montmartre ». Vous l’aviez rappelée en personne, finissant la conversation par un « bisous bisous bisous » d’anthologie, puis elle vous avait retrouvé quelques jours plus tard comme convenu à La Mascotte, où vous étiez venu avec Valmy et son orgue de barbarie « parce qu’à Montmartre on fait toujours la fête ! ». Quand elle vous avait remercié, vous lui aviez dit « ma chérie, tu n’as pas à me remercier, et j’espère surtout que je te porterais chance… ».
Votre gentillesse n’avait d’égale que votre générosité, et vous étiez à nos yeux la quintessence même de ce quartier que vous aimiez tant. S’il y en a un et un seul qui représente les vraies valeurs de Montmartre, c’est bien vous. Ami avec tout le monde, vous vous foutiez bien des « histoires » du village, et tout le monde vous adorait. On vous disait très influent, vous l’étiez forcément, mais jamais vous n’avez cherché à faire d’ombre à qui que ce soit, car vous étiez l’élégance incarnée, le sourire toujours accroché aux lèvres, même lorsque ces derniers temps, on vous sentait de plus en plus fatigué… De Montmartre, vous étiez incontestablement le vrai et l’unique roi.
Vos obsèques auront lieu vendredi matin à 10h30 en l’Eglise Saint-Jean Place des Abbesses, puis vous serez inhumé au cimetière Saint-Vincent, auprès de votre maman. Une foule énorme vous attendra, car nombreux sont celles et ceux, connus et anonymes, qui souhaiteront vous rendre un dernier hommage. Nous, on sera là, on portera une touche de bleu, et puis on boira du champagne, juste en guise de clin d’œil.
Parce qu’une une chose est certaine, c’est que comme l’a si joliment titré le Journal Le Chat Noir le mois dernier, de toute façon Michou ne never diera jamais* !
Karine et Margaux