Après le succès de l’exposition « Surréalisme au féminin ? », le Musée de Montmartre opère un changement radical de style avec une exposition consacrée à Théophile-Alexandre Steinlen, célébrant le centenaire de sa disparition. Principalement connu pour avoir signé l’affiche de la Tournée du Chat Noir, Steinlen fait partie des artistes incontournables du quartier. Il s’agit donc d’une exposition forcément très montmartroise, mais pas que, puisqu’elle permet surtout de découvrir l’exceptionnelle richesse de son œuvre dont le fil rouge, qui fut aussi celui de sa vie, réside dans son engagement social.
Originaire de Lausanne, Steinlen s’installe à Montmartre en 1881. A l’exception de deux années passées dans le XVIIe arrondissement, l’artiste ne quittera jamais le quartier. Il y découvre et fréquente un milieu artistique mixte et sans hiérarchie, qui correspond à son idéal sociétal dans un contexte de montée en puissance du prolétariat. Sur la Butte, il se lie d’amitié avec de nombreux artistes, parmi lesquels Adolphe Willette, et devient l’un des dessinateurs les plus actifs de la revue du Chat Noir. Pour le cabaret du même nom, il peint entre autre la spectaculaire « Apothéose des Chats », pièce maîtresse de la première salle de l’exposition consacrée aux chats ; un animal omniprésent dans l’œuvre du peintre, symbole de la bohème par son caractère libre et indomptable.
L’exposition s’articule ensuite autour d’un parcours qui fait la part belle à la peinture, bien que Steinlen ait réalisé des milliers de dessins, notamment pour la dizaine de journaux avec lesquels il a collaboré. Artiste prolifique et protéiforme, Steinlen s’est essayé à toutes les techniques, de la sculpture au dessin d’affiches ou d’illustrations de presse, jusqu’à la peinture donc, à laquelle il va donner de plus en plus d’importance à partir de 1900, bien qu’il n’ait jamais hiérarchisé son travail. On découvre ainsi qu’il a peint des paysages, et bien sûr encore et toujours le peuple, qu’il soit dans la rue, dans les champs, à l’usine, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, ouvrières ou prostituées ; une œuvre comportant de nombreuses références à Zola, mais dont l’espoir reste une caractéristique majeure.
L’exposition se termine par deux très belle sections : l’une consacrée au nu et l’autre à Masseïda, sublime femme africaine que Steinlen engage comme gouvernante à la fin de sa vie, et dont il réalisera entre autre un incroyable portrait au fusain d’un modernité saisissante.
C’est donc une fois encore une exposition particulièrement intéressante à bien des égards, qui permet de remettre en lumière celui dont on a pensé trop souvent qu’il n’était que le peintre des chats.