« A Montmartre, la lumière n’est pas la même qu’ailleurs… ». C’est ce que Richard Bohringer nous a dit lorsque nous l’avons rencontré. Et c’est vrai que cet après-midi là, depuis la suite du Terrass’’ Hôtel où nous avions rendez-vous, c’était particulièrement flagrant. Le comédien, actuellement à l’affiche au Théâtre de l’Atelier pour son spectacle Traîne Pas Trop Sous La Pluie, nous a ainsi accordé le privilège d’une interview, qui s’est vite transformée en conversation à bâtons rompus sur la vie et… sur Montmartre !
Car Richard Bohringer connaît très bien le quartier, où il a passé de nombreuses nuits : « De Saint-Germain, on montait à Montmartre comme en territoire inconnu. C’était très gai, et puis j’aimais tellement ses jolies lumières de coins de rues, ses jolies ambiances humaines et esthétiques… J’ai même dû y être amoureux… Oui, c’est certain, je me souviens, elle habitait rue Caulaincourt… » Il viendra également souvent rendre visite à Claude Nougaro avenue Junot, ou encore à son grand ami Teddy Vrignault, l’un des deux Frères Ennemis mystérieusement disparu en 1984 et qui résidait à l’époque rue des 3 Frères (drôle de coïncidence). « A Montmartre, on allait chercher ce que les autres y avaient trouvé… On y ressentait l’espérance de l’existence… C’est un endroit tellement à part, comme suspendu… ».
Un endroit qui ressemble à sa volonté aujourd’hui de suspendre les choses. « Moi, je voulais tout. J’étais un affamé de la perfection de l’âme. Désormais, je ne suis plus en train de construire. Je laisse vivre dehors pour vivre à l’intérieur ». Et c’est à ce voyage intérieur que Richard Bohringer nous convie lorsqu’il est sur scène, où il se livre à un exercice de style tout à fait fascinant.
Traîne Pas Trop Sous La Pluie, c’est d’abord un roman publié en 2009, puis un spectacle créé en 2010 au Théâtre de l’Européen, durant lequel le comédien alterne entre des extraits du livre et une performance proche du stand-up ; car c’est bien là ce qui peut surprendre (lui le premier d’ailleurs) : Richard Bohringer fait rire. Mais il s’agit surtout d’un spectacle d’une incroyable générosité, où la lumière reste à peine allumée dans la salle de façon à ce que l’acteur puisse voir le public, et où les spectateurs font preuve d’une infinie tendresse, réagissant aux improvisations de Richard comme s’ils étaient entre potes.
© Alain Rousseau
Richard Bohringer nous a avoué ne pas savoir réellement comment lui était venue cette idée de monter seul sur scène, un peu comme tout ce qu’il a toujours fait d’ailleurs, sûrement par instinct ; un instinct presque animal qui le définit finalement très bien. Mais quand Didier Long et l’équipe du Théâtre de l’Atelier lui ont proposé de remonter le spectacle, il l’a pris comme un cadeau, d’autant que « si à 20 ans on veut mourir, à plus de 70 on veut surtout rester ! ». Et vivant, Richard Bohringer l’est bel et bien, convoquant les fantômes du passé (ses amis Roland Blanche, Bernard Giraudeau, Philippe Léotard ou Jacques Villeret) au bal des bons souvenirs avec une magnifique pudeur, évoquant ses nuits d’errance, ses défaillances, le tout rythmé par le « flow » de son écriture flamboyante.
Car Richard Bohringer, en plus d’être un incroyable conteur, manie les mots comme personne, et putain qu’est-ce que c’est beau ! Ses textes sont à son image : bruts et émouvants, sincères et puissants. « Ah ! J’ai fait des vagues avec les mots de la phrase » ; mais quelles vagues sublimes ! Et oui, « ça file du bonheur les mots », on confirme.
A la fin de l’entretien, Richard Bohringer nous a confié « J’ai eu beaucoup de chance avec les nuits, il a toujours un peu plu, c’était magnifique… ». Alors en voyant le spectacle, on se dit que finalement, il a bien fait de trainer un peu trop sous la pluie…
Du mardi au samedi à 19h00 jusqu’au 23 avril
La place en 1ère catégorie à 24 euros au lieu de 37 euros, directement au guichet du théâtre ou par téléphone au 01 46 06 49 24 avec le code Montmartre Addict.
Un immense merci à Jérémy du Théâtre de l’Atelier d’avoir permis cette rencontre magique et cet instant suspendu, ainsi qu’à l’équipe du Terrass’’ Hôtel pour leur accueil.