C’est bien connu, les montmartrois ont du caractère et ne se laissent jamais faire, surtout lorsqu’il s’agit de défendre leur village et leur patrimoine. Après la polémique sans fin autour de la Place du Tertre et de son occupation entre peintres et terrasses, deux nouvelles « affaires » agitent la Butte depuis quelques jours : l’abattage de la glycine centenaire de la Place du Calvaire, et le projet immobilier du 10 rue Muller.
Quiconque a déjà visité Montmartre au printemps n’a pu manquer d’admirer et de photographier la Place du Calvaire et sa splendide glycine fleurie recouvrant la terrasse de Chez Plumeau. Pourtant la semaine dernière, les services de la Ville l’ont purement et simplement tronçonnée, laissant les patrons du restaurant et les riverains impuissants : « ce sont les voisins qui nous ont prévenu, mais le temps qu’on arrive, il était déjà trop tard » nous a raconté Steven, le gérant de Chez Plumeau.
Tout commence lors du premier confinement en mars 2020. Alors que des travaux de réfection de la Place sont effectués par la Mairie, le ciment utilisé pour jointer les pavés recouvre le pied de la glycine qui commence à s’étouffer. A l’aide d’un marteau-piqueur, Steven dégage les racines pour la faire respirer. Sauf qu’entre temps, suite à une visite sur site du service de l’Arbre de la Ville de Paris et de l’ADDM (Association de Défense De Montmartre), il avait été constaté que la glycine était morte, et donc décision prise de la couper pour en replanter une autre.
Soit, mais comment expliquer que personne n’ait pensé à donner une chance à cet arbuste centenaire (la glycine n’ayant pu être classée comme arbre remarquable en raison de son appartenance à la famille des lianes) et surtout à vérifier que celle-ci n’était tout simplement pas en dormance ? « On nous a dit que la glycine était morte, mais c’est faux, elle était en train de repartir ! » affirme Steven, certain d’avoir vu quelques premiers bourgeons sur les branches coupées. Une version que réfute Christophe Nadjovski, adjoint à la Mairie de Paris en charge de la végétalisation de l’espace public et des espaces verts, affirmant qu’il ne faut pas confondre « la vigne vierge, fortement présente sur le site avec des bourgeons, et les branches de la glycine. »
Même si Steven, de son côté, a décidé de faire analyser la souche qu’il a récupérée pour prouver que la glycine allait repartir, le mal est fait, et il faudra attendre de très longues années avant de pouvoir s’asseoir sous la nouvelle glycine qui devrait être replantée dans les jours qui viennent. Idem pour le magnifique marronnier rouge à quelques mètres, coupé pour les mêmes raisons il y a quelques mois.
De l’autre côté de la Butte, c’est un projet immobilier qui provoque la colère des habitants du quartier. Entre les rue Muller, Feutrier, Ramey et Chevalier de la Barre, il est prévu de construire un ensemble d’appartements de luxe et de bureaux, qui, en plus de programmer la disparition de l’un des derniers laboratoires photo argentique de Paris, signerait la destruction de bains douches surmontés d’une verrière datant du XIXe siècle.
Là encore, deux versions s’opposent : celle des riverains, qui considèrent que cette construction fragiliserait l’ensemble des bâtiments alentours reposant sur d’anciennes carrières de gypse, et celle du promoteur, qui assure qu’il injectera du béton pour solidifier le sol.
L’affaire est complexe, mais dans tous les cas, bien que le promoteur ait obtenu toutes les autorisations nécessaires à la réalisation de son projet, on n‘imagine pas une seule seconde que ce trésor de l’architecture montmartroise puisse disparaître à jamais. Une pétition a été lancée pour sauver ce bout de patrimoine, et les riverains sont déjà très mobilisés, mais il ne reste plus que quelques heures pour que le permis de construire accordé par la Mairie de Paris puisse être retiré ; c’est le moment ou jamais de signer !
Pétition : change.org/sauvonsmontmartre
Crédit photo 10 rue Muller : collectif Sauvons Montmartre sur facebook.com/sauvons.montmartre