La Villa Léandre est certainement la rue la plus bucolique et pittoresque de Montmartre, mais on peut se demander ce que vient faire cette impasse avec ses maisons de style anglo-normand au niveau du 23 ter de l’avenue Junot. Pour connaître son histoire, remontons quelques années en arrière, du temps où Montmartre n’était encore qu’un village en dehors de Paris.
Au XVIIIe siècle, de nombreux moulins s’élevaient de ce côté de la colline, dont l’exploitation cessa progressivement avant qu’ils ne soient détruits un siècle plus tard, laissant place à un vaste terrain vague entre les rues Caulaincourt, Lepic et Girardon. C’est à cet endroit précis qu’apparut le Maquis de Montmartre, occupé par des bicoques plus ou moins insalubres où vivaient artistes, marginaux et miséreux. Au début du XXe siècle, les promoteurs investissent progressivement le terrain, et le quartier entame sa mutation avec le percement de l’avenue Junot en 1909. Autrefois privée, l’impasse, qui porte alors le nom de Junot, est ouverte en 1926.
Ce n’est qu’en 1936 qu’elle sera rebaptisée Léandre, acquérant au passage le titre de Villa, en hommage au dessinateur et humoriste montmartrois Charles Léandre, connu notamment pour ses caricatures publiées dans Le Rire ou Le Figaro.
Longue de 69 mètres et large de moins de 7 mètres, la Villa Léandre est l’œuvre de Louis Vuldy, architecte et promoteur montmartrois à qui l’on doit de nombreuses constructions dans le quartier, dont toutes celles de l’impasse qu’il bâtit en une dizaine d’années. Et si l’avenue Junot présente une certaine homogénéité de style, c’est loin d’être le cas ici, petits immeubles, maisons individuelles et ateliers à toits pentus se côtoyant joyeusement. De nombreux matériaux ont également été utilisés, parmi lesquels briques rouges, crépis, tuiles et ardoises, et plusieurs maisons se distinguent par leurs ornements de céramique ou par leurs ferronneries aux motifs d’ailes de moulins qui rappellent l’histoire des lieux.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Louis Vuldy s’est fait plaisir ! Et c’est tant mieux, car aujourd’hui, c’est toujours un réel bonheur de se promener Villa Léandre, où l’on découvre à chaque fois de nouveaux détails. Aviez-vous par exemple remarqué au N°10 le clin d’œil à la demeure londonienne du premier ministre britannique, ou encore le petit chat perché au dessus de l’entrée du N°13 ?
Bref, c’est un endroit vraiment à part, où de nombreuses célébrités (dont nous respecterons l’intimité) ont élu domicile, et où vivent encore des familles qui se transmettent leurs maisons de génération en génération ; franchement, on les comprend ! On a par contre été surpris d’apprendre que Juliette Gréco n’avait jamais habité la maison que son mari Michel Piccoli lui avait offert au N°10, trop attachée qu’elle était à son quartier de Saint-Germain des Prés.
Nous, on en connait beaucoup qui rêveraient d’y habiter, et quelle que soit la saison, la Villa Léandre reste un enchantement, ne serait-ce que pour s’y promener !