Jack Servoz « in » et hors les murs

Le 02 janvier 2018

Publié le 5 janvier 2018

Jusqu’au 30 janvier 2018, StudiosParis Gallery vous invite à venir contempler l’œuvre libre et dissidente de Jack Servoz au cœur du quartier historique des artistes Montmartrois. Vous y trouverez notamment dans la rue Androuet une installation réalisée par Servoz dans le cadre de la Pop Up Street, icône incontournable du Streetart parisien et destination prisée des graffeurs. Inspirée par le Christ Jaune de Gauguin, cette installation qui se situe au-delà des murs de la galerie propose ainsi de dé-sanctifier les espaces d’exposition traditionnels en permettant une rencontre inattendue entre ses œuvres et un public composé de flâneurs et de connaisseurs avisés. Merveilleuse évocation du riche passé artistique du quartier, cette exposition est une affirmation de la liberté de l’artiste au-delà des normes et des conventions.

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Interview avec Jack Servoz « En lutte contre le statu quo, éclaireur et activiste esthétique »

Vous avez réalisé une installation exposée sur les murs de la rue Androuet. Pourquoi avoir choisi le Christ Jaune de Gauguin comme motif d’inspiration ?

Jack Servoz : La Pop-Up-Street (rue Androuet) interprète les grands évènements culturels parisiens en version ‘off’, plus punk et totalement libre. Il y a une rétrospective gigantesque de Gauguin au Grand Palais et – avec Eva Léandre, curatrice de la rue  – nous souhaitions réaliser une scénographie de Noël reliant le Christ à Gauguin par un hommage à son autoportrait en Christ Jaune. 

Qu’est-ce que vous évoquent cette œuvre et cette figure du Christ ?

Jack Servoz : J’ai voulu renouveler le portrait de Gauguin et du Christ, c’est un rappel. Je l’ai fait en rose, en bleu, en vert, en violet. Je travaille beaucoup avec les rappels, les références, les inspirations, les reprises et réflexions sur les artistes du passé. J’utilise, je m’inspire.  Ici, j’ai repositionné le Christ telle une icône du Pop Art, comme Warhol qui peint la Joconde et surtout Marilyn Monroe en Joconde contemporaine. Il s’agit d’actualiser une figure. C’est l’idée du Christ que je renouvelle, je lui redonne une nouvelle image, propre au 21ème siècle. C’est presque dissident de repeindre le Christ, ça fait 2 000 ans qu’on nous le rabâche.

Et dans la symbolique ?

Jack Servoz : Je m’intéresse aux figures du crucifié et du condamné. De ce fait, le Christ et Gauguin,  qui a un côté éminemment christique, sont deux figures qui me captivent. Symboliquement c’est passionnant. Ce sont les crucifiés et les écorchés de la société qui m’intéressent aujourd’hui. On n’évolue pas vraiment en fait, on reste dans le matérialisme capitaliste. Je crée contre le statu quo, contre les politiques de Macron, Trump, Merkel, et tous les autres.  L’image du Christ vise à montrer que rien n’a vraiment changé, qu’on n’est pas sortis de la lutte ancestrale entre le spirituel et le matérialisme. Mon Christ se veut anticlérical.

Qu’est ce qui vous séduit dans le Streetart et comment voyez-vous cette pratique ?

Jack Servoz : Le Streetart est important pour la démocratisation et la désacralisation. Déjà à partir des années 70, en Amérique et en Angleterre, les mecs se mettent dans la rue et font de l’art éphémère et spontané, comme pris de convulsions. Il s’agit de créer hors du business et du système du profit. Le vrai artiste selon moi se veut hors du secteur commercial. Tu crois que les peintres de Lascaux peignaient pour être payés ou pour plaire aux bourgeois ? Non ! C’est un rituel magique, au sens étymologique. Le punk qui peint dans la rue est contre la bourgeoisie qui engendre des conflits économiques et sociaux. Le peintre crie et magnifie l’esprit de la nature : c’est une mission spirituelle ! On est là dans l’unique religion non-inféodée. Les mecs dans la rue, ce sont les primitifs avec des couilles, qui peignent avec la liberté. Pour moi, l’art est punk, et le Streetart en est sa plus belle expression, puisqu’il ne s’agit pas de vendre mais de communiquer avec ceux qui passent à côté et lèvent les yeux. C’est un art immédiat et anti-bourgeois, donc foncièrement anti statu quo. Ce sont certaines limitations des galeries dans le monde qui me poussent au Streetart, à la recherche de différents moyens de toucher le public. Le concept de la Pop Up Street m’a beaucoup influencé dans ce sens. L’idée de « galerie en plein air », d’un espace d’exposition complémentaire et vivant me séduit !  

Comment votre installation rue Androuet dialogue-t-elle avec les œuvres exposées au sein de la galerie Studios Paris ?

Jack Servoz : Avec le Streetart il n’y a pas la peur de rentrer dans la galerie, c’est une communication directe avec la population et les passants. L’idée étant ici de d’inviter le public à voir les œuvres qui se font écho dans la rue et dans la galerie. Peindre dans la rue est un acte anticonformiste, en ce sens qu’on se soustrait aux normes sociales imposées et aseptisées. Ça crée un lien avec le monde mystique. La pulsion de vie, c’est la communication. La rue c’est précisément cela, c’est du live qui permet à l’art d’être relié à la fresque murale et au monde magique de l’instant éphémère. Le Streetart est ce lien irréductible entre l’artiste et le peuple qui challenge la mainmise des institutions. C’est du grassroot, un mouvement de fond. Voilà ce qui donne un vrai sens à mon travail, le contact avec les gens. Je veux qu’il se passe quelque chose, que se noue une relation quasi magique. Je remarque néanmoins une transformation dans le milieu des galeries, qui deviennent de plus en plus polyvalentes et hybrides pour s’adapter à un monde en mouvement. La Pop Up street d’Eva à été pionnière en tant que soutien au Streetart à Paris, en ce sens où elle promeut un véritable accès libre à l’art dans la rue et dans la galerie, poussant au dialogue entre les lieux d’exposition traditionnels et hors-murs, et proposant aux artistes deux cadres complémentaires dans lesquels s’exprimer. C’est un mélange idéal pour l’artiste.

Quels liens vous lient à Studios Paris gallery ?

Un lien particulier m’unit depuis 30 ans à Eva Léandre, la directrice de Studios Paris. Elle a toujours encouragé les artistes à sortir du temple de la galerie et à exposer dans la rue. Il s’agit d’une idée brillante qui bouleverse les normes institutionnelles. Depuis 2011 elle a réussi à convaincre les co-propriétaires de la rue Androuet de lui confier les murs de leurs immeubles pour créer une galerie ‘hors murs’. Eva et moi nous rejoignons : il faut renouveler nos manières d’exposer et faire de l’art une expérience esthétique, partie intégrante du quotidien. Dire non au business art et toucher les gens par un message non-dilué par les institutions et les spéculateurs.

Exposition jusqu’au 30 janvier 2017

Studios Paris gallery, 54 rue des Trois-Frères et hors murs, rue Androuet 

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