A la croisée de deux escaliers et de la rue Caulaincourt, entre la très chic avenue Junot et la populaire rue Lamarck, Le Cépage Montmartrois est le reflet de toute la diversité de Montmartre. Du premier café à 7h du matin au dernier verre avant minuit, on y croise une clientèle aussi sympathique qu’hétéroclite, qui continue de faire vivre l’une des plus anciennes brasseries du quartier.
D’abord connu sous le nom de Placier, un restaurant « dirigé sans gloire par un certain Razé » où l’on buvait l’absinthe, Pierre Manière en fit l’un des lieux les plus courus de la capitale, où se côtoyaient journalistes, hommes politiques et artistes. C’est en effet là que se réunissaient les frères Duchamp, Poulbot, Kupka, Mac-Orlan, Dorgelès, Marcel Aymé ou encore Gen Paul pour ne citer que les plus montmartrois. La table y était excellente, considérée dans les années 20 par Curnonsky, « le prince des gastronomes » comme la seule bonne table de Montmartre : « Excellent restaurant. Et l’un des meilleurs de la Butte… et d’ailleurs ! Si le joyeux tintamarre d’une jeune clientèle d’artistes et de modèles ne vous effraie pas, vous y mangerez une très bonne cuisine bourgeoise, des plats simples, mais bien préparés et honnêtes, abondamment servis, et vous y pourrez boire de charmants vins d’Anjou et de Touraine, car le patron est fin connaisseur et il aime par-dessus tout avoir affaire à des amateurs ! A recommander, le homard à l’américaine, le canard aux petits pois, le lapin sauté, le foie de veau maître d’hôtel, les écrevisses à la nage et un entremets local, vraiment exquis, dont nous ignorons l’orthographe exacte… mais qui s’appelle le crapiot. »
L’affaire a plus tard été reprise par un auvergnat sous l’enseigne du Disque Bleu, puis plus tard du Cépage Montmartrois. Lorsque Marcel Chiche découvre le lieu il y a presque 25 ans, c’est un coup de cœur. Devenu un véritable bistrot de quartier où l’esprit du village est resté intact, on y croise tous ceux qui vivent et font vivre ce côté de la Butte, depuis les résidents de l’avenue Junot aux commerçants de la rue Caulaincourt, ou encore quelques anciens qui parlent encore de chez Manière…
Depuis, Marcel a refait deux fois la déco sans jamais trahir l’esprit d’origine tout en évitant les clichés. Mais surtout, le Cépage Montmartrois possède l’une des terrasses ombragées les plus agréables de la Butte, tout en haut de l’escalier de l’escalier du Square Caulaincourt.
La clientèle aussi a évolué au fil des années, et s’il y a 25 ans on croisait encore quelques piliers accoudés au comptoir dès 8h du matin, aujourd’hui ce sont les femmes du quartier qui en ont fait leur QG de fin de journée ; il faut dire que siroter un verre de Chardonnay ou un Spritz entre copines à la terrasse du Cépage fait partie des vrais petits plaisirs montmartrois ; un plaisir que savourent aussi quelques touristes de plus en plus nombreux à fuir le haut de la Butte en quête d’authenticité et de qualité.
Et au Cépage, la qualité est toujours au rendez-vous. La carte présente une cuisine traditionnelle française, simple et efficace, depuis l’œuf mayonnaise, la soupe gratinée à l’oignon ou les escargots de Bourgogne, en passant par le tartare de bœuf au couteau, l’andouillette, la tarte tatin ou les profiteroles au chocolat, sans oublier les incontournables fruits de mer, le tout au prix le plus juste par rapport aux produits.
Marcel gère son affaire en bon père de famille, de façon sincère et honnête, et c’est aussi pour ça que les montmartrois lui sont fidèles : « il faut vivre dans le quartier pour l’apprécier. Quand je suis arrivé sur la Butte il y a 25 ans, je n’y habitais pas. Je m’y suis installé pour être plus près du Cépage, mais si je devais arrêter mon activité, je n’envisage pas une seconde de pouvoir vivre ailleurs ! » ; comment pourrions-nous ne pas être d’accord avec lui ?