On avait depuis longtemps craqué pour Les Tantes Jeanne qui, dès son ouverture en 2011, avait fait souffler un vent de gastronomie sur la rue Véron. On a donc naturellement succombé en 2019 lors de l’ouverture du Riwi, le second restaurant du chef Octave Kasakolu. Deux adresses incontournables à Montmartre pour peu qu’on soit un minimum gourmet ou connaisseur, et qui méritent qu’on s’y attarde autant pour leur histoire que pour ce qu’on y mange.
Retour en 1987, plus précisément le 15 octobre. C’est l’anniversaire d’Octave, 13 ans. Turc d’origine kurde, il vient d’arriver à Paris et s’installe avec sa famille dans le 18e. A l’époque, il ne parle pas un mot de français, mais il apprend vite. Pas suffisamment pour réaliser son rêve de travailler dans l’aéronautique, mais assez pour intégrer moins de deux ans plus tard l’école hôtelière de la rue Belliard. Parce que chez lui, la cuisine c’est plus qu’une histoire de famille, c’est presque un héritage : « En Turquie, je vivais dans la montagne, en osmose avec la nature. Nous n’avions pas d’électricité, et tout se passait autour de la cuisine, au fil des saisons. Ma mère et ma grand-mère étaient d’excellentes cuisinières, elles m’ont transmis leur passion… ». Et leur talent !
Après la rue Belliard, Octave rentre en tant qu’apprenti chez Henri Faugeron (deux étoiles au Michelin), puis enchaîne les expériences chez d’autres étoilés mais aussi dans les boîtes de nuit ! Car on le sait moins, mais le chef est également un passionné de musique : « Pour moi, la cuisine et la musique sont très liées, parce qu’elles provoquent les mêmes émotions. On se souvient autant des sensations procurées par un plat que d’un morceau de musique. » C’est ainsi qu’en 2000, il débarque à Bruxelles pour y ouvrir le Food Club, avant de revenir à Paris en 2003 où il rencontre sa future femme, Laetitia.
Pour la jeune femme, la restauration est une vraie vocation, même si, contrairement à son mari, elle n’a pas cette culture familiale, « mais qu’on est née en Normandie, on aime forcément les bons produits ! ». Désormais, l’aventure va s’écrire à quatre mains, d’abord au Barathym rue Ramey, puis au Marguerite rue de Clignancourt, avant l’arrivée rue Véron en 2011 et l’ouverture des Tantes Jeanne. « Au début, on voulait faire un petit resto de quartier, mais on n’était pas les seuls et on avait un positionnement un peu compliqué. Alors, on a décidé de monter en gamme pour faire quelque chose de vraiment différent. » Pari réussi puisqu’en quelques années, Les Tantes Jeanne est devenu une référence en matière de gastronomie à Montmartre.
On y vient certes pour ses viandes d’excellence, mais pas que. Octave a su créer une carte dans la pure lignée de la gastronomie française avec des origines diverses, y intégrant des produits qu’il source directement dans son pays d’origine et partout dans le monde, avec une prédilection pour le Japon. Ce qui l’intéresse, c’est de créer sa propre identité culinaire, et c’est carrément réussi. Aujourd’hui, Les Tantes Jeanne est encore monté d’un cran et vise, en plus de l’étoile, une clientèle résolument haut de gamme. « Cela demande beaucoup de travail et une remise en question permanente, mais c’est ce qui nous fait avancer ». Laetitia a passé son diplôme de sommelière, et n’est pas peu fière de pouvoir annoncer plus de 600 références en cave. Alors forcément, le budget est en conséquence, mais si c’est pour manger ne serait-ce qu’une fois dans sa vie un paleron de bœuf japonais braisé servi dans de la vaisselle produite depuis des millénaires au pays du soleil levant, ça vaut franchement le coup !
Et pour se régaler tout autant mais à moindre frais, direction le Riwi juste à côté. En ouvrant leur second restaurant à l’angle des rues Véron et Aristide Bruant, Octave et Laetitia ont souhaité s’inscrire d’autant plus dans la vie du quartier : « on a voulu créer un lieu ouvert sur l’extérieur, où l’on se retrouve par exemple entre voisins. » Et là encore bonne pioche, même si, à cause de la crise sanitaire, le Riwi ne cumule finalement qu’un peu plus de six mois d’ouverture. Ce qui ne l’a pas empêché de se faire une belle réputation sur la Butte, de nombreux montmartrois en ayant très vite fait leur nouveau QG. Et c’est amplement mérité, car non seulement l’endroit est super agréable et la déco particulièrement réussie, mais il y a là encore du niveau dans les assiettes ! Le midi, on vous recommande le fameux kebab signature du chef, mais on garde un souvenir tout aussi ému de l’incroyable carpaccio de Saint-Jacques aux agrumes dégusté un soir d’été. Et quand on vient juste pour boire un cocktail et grignoter quelques tapas, c’est aussi sympa. De nombreux événements sont d’ailleurs prévus au Riwi, à commencer par des DJ sets le week-end, revival des années boites de nuit du chef !
Il y aurait encore tellement de choses à dire sur ces deux adresses, notamment sur le fait que tout est fait maison, même le pain, que les équipes sont formées par Octave qui dirige ses cuisines comme un chef d’orchestre, que ce dernier a distribué plus de 600 repas aux soignants pendant le premier confinement, et qu’il aimerait avoir plus de temps pour faire encore plus de choses, mais le mieux reste, si ça n’est pas déjà fait, d’aller au Riwi ou aux Tantes Jeanne pour vous faire une idée par vous-même. Et pour ceux qui s’interrogent sur l’origine des noms des restos, si Les Tantes Jeanne fait directement référence à la chanson éponyme de Gilbert Bécaud, Riwi, qui signifie renard en kurde, était le surnom qu’on donnait à Octave quand il était petit pour se moquer de lui. C’était sans compter sur la ruse de l’animal qui, on peut le dire aujourd’hui, a pris une sacrée revanche !
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